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Gaelle Hermet – « Ensemble c’est tout »

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Je suis née le 12 juin 1996 à Clermont-Ferrand. On s’est installé à Carmaux dans le Tarn quand j’avais 6 ans environ. À 18 ans, j’ai rejoint le Stade Toulousain. Je ne sais pas si je devrais vous le dire mais mon coeur est à la fois jaune et bleu ET rouge et noir.

Ça a l’air incompatible comme ça pour les fans de rugby, mais pour moi, ça n’a jamais réellement posé de problème. Le partage s’est incrusté très tôt dans ma vie et j’ai su faire de la place pour tout le monde dans mon coeur. 

Des parties de rugby dans le jardin avec Dorian, Jorys et Hugo, il me reste le souvenir que j’étais bien meilleure qu’eux – mais chamailleries de frères et soeurs obligent, ils ne le reconnaîtront sûrement pas.

Ce dont je me souviens surtout c’est que le rugby a toujours fait partie de nos vies. Rugby dans le jardin, rugby à la télé, rugby à table pendant les repas de famille avec mes oncles et mon père. Comme beaucoup de familles du sud ouest vous me direz.

Et comme beaucoup de familles du Tarn, en plus de la passion du rugby, on a la passion de la famille également. Entre le rugby et ma famille, c’est un peu le même genre de relation qu’entre les membres de ma famille, c’est fusionnel. On a toujours été proches les uns des autres, toujours là pour se soutenir quand quelqu’un en avait besoin. Sans leur soutien, je ne sais pas si j’aurais pu autant m’épanouir.

Ma famille m’a énormément soutenue quand j’ai décidé de partir au pôle espoir. Il faut dire que ce n’est quand même pas évident de voir son enfant quitter le foyer à 15 ans. Avec un peu de recul, je crois que ça n’a d’ailleurs pas été évident pour ma mère. Nous avons toujours été très proches et j’imagine que voir sa fille aînée de 15 ans partir de la maison n’était pas forcément une option qu’elle avait envisagée. Mon père Cyrille, en grand passionné, s’est montré hyper présent et m’a encouragé à vivre ma passion.

Coté rugby, j’ai toujours tracé ma route assez naturellement. Dès le plus jeune âge, il n’y a pas eu d’accroc. Les planètes se sont alignées comme il fallait au fur et à mesure que j’avançais.

Je ne savais pas trop à quoi m’attendre quand j’ai quitté la maison. C’était difficile de me projeter et d’imaginer ce que j’allais trouver là-bas. J’ai toujours été bien entourée, « très famille » comme je vous le disais. La seule chose que je pensais savoir en arrivant au pôle, c’est que je n’imaginais pas du tout mon avenir en faisant du rugby à plein temps.

Au pôle espoir de Jolimont, on a cours la journée, rugby le soir. J’ai tout de suite senti qu’il se passait quelque chose à cette période. Moi qui suis très famille – vous allez dire que je radote – je me suis sentie dans mon élément. Finalement, j’ai noué des relations qui ressemblaient beaucoup à ce que j’avais connu avec mes proches. J’ai rencontré des gens qui vivaient la même expérience que moi, celle d’être loin des leurs et qui cherchaient à retrouver un truc familier.

Comme j’ai un grand coeur, ça n’a pas été difficile de faire de la place à celles qui partagent mes journées. Je fais la connaissance d’Ïan Jason, Mathilde Coutouly, Laure Touyé, Brandy Cazorla, Cindy Faure, ou Laure Sansus avec lesquelles on a grandi jusqu’au haut niveau. On échange, on partage, on vit. Les études et le rugby rythment nos journées. Il faut dire que pour toutes, vivre du rugby c’est un projet un peu abstrait, le statut professionnel c’est un truc qui demeure encore flou à cette époque. Du coup c’est surtout humainement que je continue de grandir.

Ces années d’internat m’ont permis de pousser les murs, de me rendre compte que je pouvais  encore faire de la place dans mon coeur. De me rendre compte, en quittant à la maison, que mon choix allait faire de moi une adulte qui ressemblerait à l’enfant et à l’adolescente que j’étais. Je ne m’y attendais pas forcément, mais j’ai trouvé une seconde famille là-bas. Une famille qui me permet d’être la joueuse de rugby mais aussi la femme que je suis aujourd’hui.

Au-delà de la performance, ces années d’internat m’ont fait prendre conscience de ce qui est fondamental dans la vie: le partage, la solidarité, l’entraide ou encore l’empathie. Des valeurs humaines qui ont toujours fait partie de moi mais qui m’ont surtout conforté dans l’adulte que je voulais être.

Du côté du rugby, comme je vous le disais, tout roule. Du côté des études aussi, sauf que savoir ce que je veux faire dans la vie, c’est pas du tout évident quand on a 18 ans.

Ça va vous paraître étrange parce que je suis aujourd’hui surtout connue comme joueuse de rugby mais quand j’obtiens mon BAC Scientifique à Jolimont en 2014 je ne sais pas encore ce que je veux faire « dans la vie ». La situation du rugby en France est telle qu’on est obligé d’avoir un plan. Pas uniquement pour le futur, il faut aussi penser au présent et se prévoir un à-côté pour vivre sa passion.

Après le Bac, je m’inscris en fac de psycho à Toulouse, ça m’intéresse mais je ne vais pas vous mentir c’est quand même un peu abstrait. Je n’arrive pas à me faire d’idée précise sur ce que je veux faire en parallèle du rugby.

Et puis comme une évidence, j’ai ouvert les yeux sur un truc qui a toujours été là, en moi: être là pour les autres. J’ai deux ans d’écart avec Dorian et cinq avec les jumeaux, c’est peu. D’aussi loin que je me souvienne on a toujours été super proches, fusionnels. J’ai toujours eu ce truc un peu maternant, protecteur. Ça va vous paraître fou peut être, mais je réalise seulement aujourd’hui à quel point ça m’a façonnée en tant que personne. J’aimais m’occuper d’eux. J’aime prendre soin des gens tout simplement.

Lorsque Camille Boudaud et Agathe Sochat m’ont parlé des études d’ergo, ça a tout de suite éveillé ma curiosité. Il y avait aussi Coumba Diallo qui bossait déjà comme ergothérapeute. Bon, j’avoue que je n’en avais jamais entendu parler auparavant, toute ma famille est soit dans la Police soit gendarme. L’intérêt est instantané, m’occuper des autres, améliorer leur quotidien, c’est forcément fait pour moi. Ça n’a ailleurs pas étonnée ma mère quand je lui ai fait part de mon choix.

Mes réticences pour la gériatrie et les (pas vraiment bons, on va pas se mentir) échos concernant les EPHAD sont vite balayés par ma curiosité. Je n’ai jamais été du genre à me laisser influencer, au contraire j’avais besoin de voir par moi-même.

Contrairement à ce qu’on m’avait vendu, je n’ai pas découvert de mouroirs. Simplement des gens dont l’état de santé nécessite qu’on les accompagne au quotidien.

J’ai 21 ans quand je fais mon stage à l’EPHAD de Toulouse. Et là, c’est la rencontre, pouvoir aider ces personnes âgées, faciliter leur quotidien, connaître leur histoire, m’imprégner de leur vécu. Apprendre, prendre, donner. PARTAGER.

Créer du lien. J’ai toujours été faite pour ça. Je suis comme ça. Sur le terrain aussi, à mon poste, la plupart du temps je charbonne pour les autres, je suis un rouage dans le collectif. Nous sommes liées les unes aux autres, chaque maillon est essentiel pour mener l’équipe à la victoire mais c’est rarement moi qui brille. Parfois je suis un maillon essentiel pour mener l’équipe à la victoire mais c’est rarement moi qui brille.

La situation actuelle avec le Coronavirus est une belle image de ce que sont les soignants dans notre pays. On charbonne pour les autres. Aujourd’hui et ce depuis le début du confinement, on invente, on donne, on partage. On continue d’être un rouage dans le collectif, on fait des visio entre les personnes accueillies et les familles, on maintient le lien et on fait ce qu’on aime, être là pour les autres.

Pour être honnête, je ne cherche ni les louanges ni les remerciements. Je fais ce que j’aime depuis toujours: aider les autres. Cette situation va nous changer à jamais je l’espère, et souder la solidarité entre les français.

Plus que jamais aujourd’hui, nous ne sommes pas là pour briller, nous sommes là pour rapporter la victoire à l’équipe. Le genre de victoire qui sert de socle à un meilleur avenir.

Gaëlle.

 

GAELLE HERMET

Troisième ligne aile et Capitaine du XV de France.

Vice-championne de France – Elite 1
2018, 2019

Vainqueur du Tournoi des Six Nations féminin – Grand Chelem
2018

Championne de France – Elite 2
2015

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